création 2006 – LES BONNES

Mise en scène, scénographie : Alain Timár

« La juvénilité éternelle de Genet fait penser à un ange qui porterait sur son visage la férocité des fauves » écrivait Yukio Mishima. Toute l’œuvre de Genet n’est peut-être qu’une longue déclaration de guerre. Jamais il ne déposa les armes. Il demeura jusqu’au bout, envers et contre tous – et d’abord contre lui-même – dans ce lieu où la société l’avait, dès la naissance placé et qui est le lieu le plus solitaire et le plus peuplé de la terre : dehors. C’est pourquoi, sans doute,  » peu d’œuvres sont aussi troublantes et dérangeantes que la sienne, aussi inconfortables pour les schémas de pensée habituels, aussi profondes et étrangement poétiques ».

Jean Genet s’est sans doute inspiré du fameux crime des sœurs Papin pour écrire « Les bonnes ». Crime qui, en 33, fascine les foules et occupe la une des journaux. La Revue Détective titre : « Deux anges ? Non ! Deux monstres qui, au Mans, arrachèrent les yeux de leurs patronnes. Orbites vides, crânes défoncés, mais vivantes encore, les victimes moururent après une atroce agonie. « 

L’art de l’écrivain et le feu du poète transfigurent cette histoire en une métaphore dérangeante et fascinante de la vie et de la société…  Solange et Claire, deux sœurs, travaillent en tant que bonnes au service de Madame. Elles rêvent d’assassiner leur patronne. Chaque soir, elles répètent en secret la scène fatale, jouant à tour de rôle les trois personnages du drame. Mais elles n’arrivent pas à leur fin : Madame échappe au ‘tilleul empoisonné’. Dans une totale confusion mentale, Claire s’identifiant à Madame, le boit… avec  la complicité meurtrière de Solange.

Une histoire d’amour et de haine à trois portées  au paroxysme. Une intrigue en forme de cérémonie sacrificielle comme dans les tragédies antiques. Un rituel expiatoire qui exalte la position du martyr. Une atmosphère sacrée qui scande les paroles et imprègne les corps et les gestes. Une intrigue qui sème le doute, qui fait vaciller les limites entre le vrai et le faux, le juste et l’injuste, le bien et le mal, le beau et le laid, la réalité et le rêve, le vécu et l’imaginaire. Une où jeux de miroirs, faux semblants et trompe-l’œil bousculent notre esprit et fait exploser les valeurs et les codes communément admis. Ca brûle à l’intérieur comme à l’extérieur et ça nous brûle aussi. Comment, dans ces conditions, la machine théâtrale peut-elle débusquer la vérité des êtres ou des faits ou en percevoir ne serait-ce qu’un reflet ?  Illusoire objectif certainement ! Le mieux étant de jeter le trouble, entretenir les ambiguïtés, les ambivalences, accuser l’inextricable complexité de la nature humaine et continuer à questionner ce mystère… jusqu’au vertige. Il fut rompre évidemment pour cela avec le réalisme du jeu. Genet parle de conte : certes, mais un conte philosophique et symbolique ancré dans un jeu charnel, psychique, fantasmatique, incisif et exacerbé.

A.T

Avec :
Lisa Pajon
Odile Grosset-Grange
Marcelle Basso

Lumière, décor : Stanislas Pierre
Image, son : Hugues Le Chevrel
Costumes : Anna Chaulet
Réalisation: Angélique Duchene
Maquillage : Édith Arnaud
Construction du décor : Théâtre des Halles
Production : Théâtre des Halles
Avec l’aide : du Ministère de la Culture (DRAC PACA), du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Conseil Général de Vaucluse, de la Ville d’Avignon.